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Photo
: M. Ducruet.
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Quand
les poires sont heureuses, elles rêvent qu'elles volent. Elles s'en racontent
les détails, se sentent légères et prêtes aux aventures. Elles disent qu'elles
sont bien dans leur peau, parlent des hirondelles, de tout et de rien, se
veulent du bien. Elles sont si près du bonheur qu'elles n'ont aucun désir,
ne veulent rien savoir du monde et des philosophes. C'est comme si la politique
et la science n'existaient plus. La vie les a remplies, la mort s'est repliée
à l'extérieur, dans les églises, les écoles, les banques et les ministères.
Elles ne sont pas idiotes et certaines disent entre deux choux à la crème
que ceux qui ne volent pas dans les rêves, feraient mieux de perdre leur
temps plutôt que d'essayer jour et nuit de conduire le monde. |
Quand
les poires tombent de leurs arbres ou qu'on les pose dans un compotier,
elles ont tendance à ne plus trop savoir si elles rêvent ou ne rêvent pas.
Elles se tassent autour de leurs pépins, s'endorment difficilement, font
quelquefois des cauchemars. Certaines racontent que tout autour d'elles
les choses se déforment, qu'elles voient des fantômes, qu'elles entendent
comme des cris de douleur. Elles comprennent vite qu'elles sont entrées
de force dans un autre monde. Si elles étaient des hommes , elles se dépêcheraient
de consulter les psychanalystes, les prêtres, les savants et tout ce que
la terre contient de grands esprits. Car rien n'est plus terrible que de
tomber de son arbre ou de se retrouver de force dans un compotier. Les savants,
les prêtres et les philosophes qui depuis toujours vivent dans les compotiers,
savent ce qui calme les poires :"N'ayez plus peur , on s'occupe de tout..." |
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Photo
: M. Ducruet.
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