Elles
sont joueuses. Il arrive qu'elles se rassemblent dans des endroits tranquilles
pour se déguiser, faire du bruit, se remuer dans l'anarchie la plus totale
jusqu'à l'épuisement. Ce goût des récréations les sauve de la monotonie
de leur existence et leur fait oublier qu'un jour elles seront mangées
ou cuites au sirop. Ces fêtes ne sont pas toujours bien vues des gourmands.
Ils préfèrent en effet que les poires soient parfaitement rangées dans
des emballages individuels qui les isolent les unes des autres.
Les innocents et les poires ne jouent pas dans la cour des grands. Ils
s'amusent à des jeux d'autrefois qui les font rire.
Au contraire, comme
le moisi dans la confiture, les maîtres du monde rêvent de voyages vers
un bocal tout neuf.
Les
poires de temps en temps font des cortèges. C'est un signe manifeste d'intelligence.
Aucune espèce ne se donne en spectacle, il n'ya que la nôtre. Mais il
semble que les poires ne savent pas ce qui est admirable : l'oeuvre des
hommes ou celle de la nature. Elles seraient encore sauvages si les jardins
n'avaient pas existé, mais d'un autre côté elles supportent de moins en
moins les mauvaises manières des chimistes et des généticiens. Les drogues,
les traitements trop fréquents, ralentissent leur éducation, cassent leur
goût et leur mémoire
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