Avec
l'énergie de l'espoir ou du désespoir, poussées par l'instinct plus que
des raisons précises, les poires se lancent parfois dans des aventures
artistiques. Elles ne sont pas douées pour les travaux solitaires de longue
haleine, elles sont maladroites avec les mots, elles ne connaissent rien
aux sciences humaines, elles attristent les philosophes qui, chacun le
sait, ont plus de goût pour les plats en sauce que pour les salades de
fruits. Elles n'ont pas d'ennemis déclarés mais il arrive qu'elles souffrent
d'être rejetées par les snobs, les râleurs professionnels et les partisans
déclarés de l'intelligence. On les accuse de trop rêver, de manquer de
stratégie dans les conflits, d'oublier que ce monde est réel et pèse son
poids de dollars.
Avec
elles, il ne faut pas s'attendre à de longs articles à côté de petites
photos dans les revues d'art. Ce sont des êtres simples qui ne trouvent
aucun plaisir à dire en trente pages s'il fait beau ou s'il pleut. Elles
n'ont pas assez de mémoire pour épuiser le dictionnaire, assez d'inquiétudes
pour faire étalage de leurs connaissances. Bref, elles ne sont bonnes
qu'à des numéros d'acrobatie. Elles aiment les clowns, donnent un coup
de main aux dompteurs, s'assoient avec les enfants et poussent des cris
perçants chaque fois qu'un lanceur de couteaux se donne à fond. Elles
deviennent belles et leur peau se nacre si par hasard on fait un tour
de magie.
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