Quand
il faut la faire, les poires font la guerre. "Donnez-moi des Normands"
demandait le général Mangin. Quelque part au fond de leur
coeur, le sens du devoir l'emporte sur les autres. On les a vu jeter leur
chair et leur peau contre des batteries de canons ou des nids de mitrailleuses.
Leurs chefs avaient su leur parler. "Plus vite vous y serez , plus vite
vous en serez sortis...." . Ce qui les tient sur le champ de bataille
ce n'est pas l'ambition ou l'amour démesuré de la gloire.
Elles aiment le coude à coude, l'effort collectif, donner avec
les autres le meilleur de soi-même. Elles sont à l'aise quand
les règles du jeu sont bien définies. En temps de paix ce
sont de bonnes ouvrières si les contremaîtres savent commander
et si les patrons parlent peu. On les trouve nombreuses dans les clubs
et sur les terrains de sport. Les poires sont très sociables. La
chair à canon n'aime pas la révolte, elle déprime
dans le désordre. Ce n'est pas qu'elle soit dupe de l'existence.
Elle se sait vulnérable mais laisse à des aventuriers les
fatigues de l'imagination. Les malins le savent et s'arrangent pour qu'autour
des poires le monde paraisse abondant. Ils distribuent de la morale et
des jeux à gogo. Et les générations de poires se
suivent comme les générations de feuilles.
|