UNE PLACE CONSIDERABLE....
   
       
       
Le Mans 2003 © M.Ducruet
 
Les femmes tiennent une place considérable dans les rues. On ne sait pas si dans les vitrines elles se montrent aux hommes ou à elles-mêmes. On les voit parées de tous les instruments de la séduction. Elles attirent les regards. Ces parures de la société marchande brillent comme des planètes ou des étoiles dans la ville. elles semblent si à l'aise et si bien occupées qu'on ne se demande pas quelles sont leurs raisons de vivre. C'est une affaire qu'elles ont réglée depuis longtemps...Tout va bien. La beauté, l'hygiène, la santé, la jeunesse, un air de savoir penser et décider, des têtes comme on il n'en sort pas de chez les psychiatres ou des collèges... Il arrive que des adolescentes en perdent à moitié le sommeil et le goût des études... Allez leur dire que ces fac-similés sont moins intéressants que les danseuses au pastel de Degas et vous saurez vite ce qu'ils savent des chefs-d'oeuvres. Il se passe donc quelque chose dans cette vitrine de série B quelque part en Mayenne..Ces corps dégraissés ne sont pas fatigués par une mauvaise alimentation ou des nuits sans sommeil. La morale veille... Les fronts levés, les yeux très ouverts portent loin, montrent que nous avons affaire à des femmes de tête qui exercent des professions actives et convenables. Elles ont le diplôme d'esthéticienne, d'agent immobilier, travaillent peut-être dans une administration culturelle ont un quotidien transparent, faut-il dire moderne?... Sans marmailles ni tambouilles. Libres et maîtresses de leur ligne, on pourrait croire qu'elles désirent quelque chose... Si on observe de plus près ces porteuses de fringues, on s'aperçoit qu'elles sont dans une drôle de situation, comme en équilibre, coincées entre l'excitation et la dépression, excitées sans arrêt, déprimées sans arrêt, toujours en marche vers plus d'amnésie . Voilà pour ce qu'elles ont dans le citron. Ces créatures sont bien des créatures de rêve! Celui du monde globalisé enfin terminé, homogène, tout entier marchandise et vitrine. Le monde des désirs parachutés et programmés où l'inadmissible sera d'être singulier... Il existe encore quelque part, dans les bibliothèques, dans les musées, et dans la rue, des antidotes au bonheur généralisé, des outils et des êtres réfractaires à toutes les sauces, Des empêcheurs de tourner en rond qui veulent savoir et naviguent dans les mots et les formes selon leur bon plaisir. Ces fauteurs de troubles, ces faiseurs de littérature, de tableaux, de partitions et de jardins, ces intouchables sont ce que nous devrions être de meilleur. Il faudrait que les femmes des vitrines s'en échappent, désertent les miroirs et les désirs d'autrui, ouvrent de grandes oreilles, désertent les casseroles du marketing et n'oublient pas de garder un oeil sur la voûte céleste, le sublime des océans et des tremblements de terre.
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© Editions Flammarion " Classiques de l'Art". Autorisation edm@flammarion.fr 01-2004

 
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